Les communautés des pays en développement, à l’instar de celles des pays développés, aspirent à une amélioration de leurs conditions de vie. Cependant, une frange importante de ces populations est fortement impactée par la pauvreté et vit dans des conditions précaires, subissant de profondes inégalités socioéconomiques qui freinent leur développement. Cet état de fait confirme l’assertion de Stiglitz (2012) et plus anciennement, celle de Smith (1776), selon laquelle, aucune société ne peut prospérer et être heureuse, si la majorité de ses membres est pauvre et misérable. Ce fléau, qui affecte à des degrés divers l’ensemble des régions du monde, ne cesse de prendre de l’ampleur au fil des années dans les pays en développement et particulièrement en Afrique.
Défini au sens littéral du terme, dans le Dictionnaire de l’Académie Française (2024), comme étant « [l’état] d’une personne dont les ressources ne couvrent pas les besoins ou fournissent à peine le nécessaire [pour sa survie] », la pauvreté est un concept polysémique qui va au-delà de la constatation de l’insuffisance de revenu chez certaines personnes à la situation de dénuement vécue par d’autres individus les rendant incapables de subvenir convenablement à leurs besoins les plus basiques. Cette nuance observée dans les conditions de vie des personnes a permis de distinguer les approches monétaire et non monétaire de la pauvreté (World Bank, 2016 ; PNUD, 2000).
Dans cette seconde approche de la pauvreté, sont considérées comme pauvres toutes les populations n’ayant pas accès aux services de base tels que la nutrition, l’eau potable, l’électricité, l’éducation, les services de santé, le logement (Ayoo, 2022 ; Sen, 1999). Cette situation de dénuement, qui caractérise la pauvreté, peut se manifester aussi par une faible dotation matérielle (un accès limité aux terres arables, à la propriété sur des biens physiques et immatériels, etc.), la faiblesse des opportunités ou l’existence des "handicaps politiques" ; limitant ainsi les capacités des personnes à explorer leur potentiel de croissance (Dessie et Jayamohan, 2023).
La pauvreté a des effets délétères tant sur la croissance économique des pays que sur le bien-être économique, social et humain des populations (Sachs, 2005), à telle enseigne qu’elle est au cœur des débats économiques, politiques et sociaux. Ainsi, son éradication demeure encore à ce jour l’un des défis majeurs à relever dans l’urgence, tant à l’échelle nationale qu’internationale. D’ailleurs, cet enjeu constitue le tout premier niveau dans l’atteinte tant des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) que des Objectifs du Développement Durable (ODD). Élaborés par l’Organisation des Nations Unies en 2000 et revisités en 2015, ces objectifs visent à mettre fin à la pauvreté sous toutes ses formes et à réduire la vulnérabilité des populations dans le monde.
Au cours de ces dernières années, alors que les économies africaines convergeaient vers celles des pays riches, cette embellie économique fut freinée par une crise multiforme, qualifiée à juste titre de "polycrise". Cette polycrise, de par ses volets économique, social, environnemental et sanitaire, a favorisé le ralentissement dans le processus de réduction de la pauvreté dans ces pays (UNDP, 2023). Par ailleurs, le changement climatique, avec ses effets corollaires que sont les inondations, l’érosion côtière, les sécheresses, les hausses de température, constitue une menace pour les populations africaines. Ce phénomène exacerbe la vulnérabilité de ces populations face à l’insécurité alimentaire par le biais de la destruction de leurs moyens de subsistance (UNEP, 2023). Il en est de même aussi pour la corruption, la mauvaise gouvernance et le déficit démocratique qui stimulent la pauvreté (Transparency International, 2022 ; Acemoglu et Robinson, 2015).
Aujourd’hui, en Afrique subsaharienne, plus de 25 pays sont classés à faible revenu, avec environ 556 millions de personnes affectées par une pauvreté multidimensionnelle. Cette région abrite à elle seule plus de la moitié des pauvres dans le monde, soit 53% de la population qui y réside (PNUD, 2021).
Le défi majeur du 3e millénaire dans les pays africains étant incontestablement l’éradication de la pauvreté, il urge de mettre en œuvre des politiques publiques de réduction de la pauvreté assez efficaces et pertinentes. Cette ambition est légitimée par le point de vue de Piketty (2014). Cet auteur affirme que « sans une redistribution équitable des richesses, la pauvreté et les inégalités vont certainement se perpétuer à travers les générations ». Cet avis est partagé dans une certaine mesure par Aka et Guisan (2017). Ces auteurs montrent que la réduction de la pauvreté nécessite une combinaison de politiques publiques gravitant autour de l’idée de la mise en place d’un revenu universel d’existence et orientées chacune plus ou moins vers l’objectif de réduction de la pauvreté. Pour Stiglitz (2002), la pauvreté résulte d’une défaillance des marchés et de l’échec des politiques publiques. Cet échec, à en croire de nombreux auteurs (World Bank, 2023 ; Janin, Nzossié et Racaud, 2023 ; FAO, 2023 ; Psacharopoulos et Patrinos, 2018 ; Laville et al., 2016 ; Armendáriz et Morduch, 2010), serait perceptible à travers des insuffisances dans les secteurs des programmes sociaux (axés sur la gratuité de l’éducation, l’accès aux soins de santé, l’accès à la cantine scolaire, etc.), des transferts monétaires conditionnels, de l’entrepreneuriat local, de l’autonomisation des femmes, des communautés et des coopératives agricoles, de l’accès au crédit, de l’inclusion numérique et de la promotion de l’agriculture durable.
Dans un contexte marqué par la transformation et la redynamisation de l’action publique, il est essentiel d’adopter une approche pluridisciplinaire pour examiner les influences des politiques publiques, des initiatives locales et des dynamiques socio-économiques sur la pauvreté et les conditions d’existence dans les sociétés en mutation.
|